Carte postale n°18

Jour 201, Confettis

北京 Beijing
Le problème des expatriés en Chine est de réussir à poser la bonne question. Isabelle installée en Chine depuis dix ans semble figée entre 2 langues, 2 cultures : les questions s’enchaînent ou se dissolvent d’elles-mêmes. Il faudra plus d’un massage thaïlandais pour y répondre. Elle m’/s’interroge sur quel est son problème ? Comment poser la problématique ? Y a-t-il un problème ? Est-il légitime/ naturel/ sain/ opportun/ souhaitable de se poser une question/problème ? De s’opposer à la réalité/ aux faits par un questionnement/ un conditionnel/ une représentation/ une projection ? L’éventualité d’une question ici/maintenant survit-elle à une réponse donnée plus tard/ailleurs ?
Quant à son mari, il croit s’être libérer de toutes les illusions et brûle avec inconscience et sérénité dans le dukkha.[1]


Frankfurt
Je découvre une ville où le quartier de la gare est l’un des plus tranquille malgré le nœud ferroviaire terrestre et souterrain où grouillent une population active. Je dis cela sans compter le magasin d’armes blanches, de fusils de paint-ball et de casques médiévaux et fantaisie en acier trempé.
Un gros sigle Euro en forme de gâteau à la crème bleue indique l’activité principale de la ville : le fric.
Enfin un paysage chinois se matérialise en une usine désaffectée, je m’approche de la façade triste aux tubulures en inox en espérant voir des débris de tôle, de l’abandon. J’hume le grand vide qui a remplacé les énergies productrices industrielles. Subitement mon oreille perçoit les accords d’un piano puis la mélodie d’une voix. L’usine est devenu une salle d’opéra.
Une ville où l’on croise beaucoup de Ferrari break, de monospaces Mercedes et de BMW avec un siège enfant à l’arrière, les financiers se reproduisent. L’office du tourisme propose des dîners au champagne avec la Loreleï pour 200 €. A ce prix-là, la blonde platine aux seins nus habillée d’une robe poisson façon petite sirène devrait réciter du Schiller dans le texte.

Warszawa
Nous déambulions par les rues, je ne regardais que toi. Mais les autres faisaient de même en se disant : « C’est qui ce type qui l’accompagne ? ».

Berlin
22h06, j’arrive à Hauptbahnof, chargé de valises. « Respecter les mœurs du pays, » je me répète. « A Rome fais comme les Romains, à Berlin comme le s punks. » Ne pas me laisser aller à la mauvaise habitude franco-chinoise de traverser intempestivement en dehors des feux. Je suis désorienté dans cette ville inconnue. Passe alors un chien, sans laisse ni collier, qui rentre tranquillement chez lui. Les textes de Kant seraient-il au programme de l’école sinophile ?
Les étudiants, les punks, les femmes d’affaires, les écoliers, les livreurs de TV sont tous à vélo. Les prostituées s’habillent de blanc (bottes et boléro de cuir) un attribut de la profession ou une circulaire de la sécurité routière s’appliquant aux travailleurs sur la voie publique ?
Un petit enfant vêtu en tyrolien à bretelles clopine par les rues. Ses parents et grands-parents traînent les pieds pour que ses petites enjambées puissent rattraper les pas de géants des ancêtres. Le gamin s’arrête brutalement et fait un drôle de geste, les bras en l’air. Les parents se retournent avec incompréhension. Deux policiers marchent sur le trottoir en face.
Vie simple, plafonds hauts, immeubles sans façade, terrains vagues en construction ou en démolition. Sont conservés les checkpoints et des bouts de murs de l’époque où Berlin se préparait à dégénérer en Bagdad si les belligérants n’avaient pas été vitrifiés par l’effroi du spectre atomique.
Vu : une famille de dreadlocks, seule la mère portait des tongs, le père et le fils (2 beaux blonds de 4 et 40 ans) profitaient du macadam sans chaussures.
Patrie de la vélocypédie libre. Les vélos sont partout : la chaussée, les trottoirs, entre les voitures, entre les tramways. Vous rencontrez un sens interdit, montez sur le trottoir, il y a trop de passants, redescendez. Faire du vélo à Berlin, expérience heuristique du déplacement.
Absence de grille, on peut s’approcher et toucher la façade de tout édifice public. J’en arrivais à lire les rendez-vous que les députés du Reichstag écrivaient dans leur agenda.
Croisé : un villageois Alsacien souriant dans la grande Berlin qui m’aborde en allemand pour demander son chemin. Ne t’inquiète pas cousin désorienté, Berlin sera ta capitale.
Les Allemands ont menés, à l’instar de leurs voisins, deux guerres mondiales. Mais ils ont aussi reconstruit le pays avant de le réunifier. Ils ont bâti l’Union Européenne. En ce moment, ils se libèrent doucement de la dépendance énergétique au gré des vents et du soleil. Dîtes, c’est quoi le prochain projet ? On peut participer ?

Paris
Hugh est américain, il n’a pas quitté Paris depuis si longtemps qu’il se souvient des poinçonneurs à l’entrée du métro. Il porte des baskets, certes, mais ce n’est pas un touriste. Il vous dit que Paris manque de vivacité artistique ces vingt dernières années. Il ajoute que c’est devenu tellement bruyant depuis que tout le monde a une voiture et que 4 millions de personnes ont débarqué de tous les coins de la France. Et puis, quand il est arrivé, dit-il en riant : « Il n’y avaient pas tous ces fast food imbouffables de merde comme les McDonald’s et les KFC ! »

Hugh, démocrate, Utah,
fils et petit-fils de Mormons (mais il fume des Gauloises roulées)

Marcello se ballade par les rues de Paris, dernièrement il a accueilli plusieurs filles sur son porte bagage. C’est nouveau, il doit dégager une sorte d’assurance avec son air sobre et ténébreux. Cela met en confiance. Et puis Paris est si grand que le choix est vite fait, montées en amazone, elles encouragent doucement le conducteur tout en gardant l’équilibre.
Marcello, vélo noir 5 vitesses depuis 10 ans

Ville cosmopolite, on trouve dans les kiosques à journaux en plus des éditions nationales : The Guardian, Il Corriere della Sera, El Paìs, Die Zeit, Gazeta Wyborcza, The New York Herald Tribune, 欧洲日报 . Dans les bistrots (ou быстро), on cause différences morpho-syntaxiques entre les patois saintongeais, lyonnais et arpitan.

Ville du cinéma qui nous fera toujours rêver, une simple ballade par les rues vous expose à devenir figurants involontaires d’un téléfilm franchouillard ou d’une grosse production hollywoodienne.


From: andrea@hotmail.com
Subject: RE: j'ai retrouvé les clefs
Date: 10 October 2008 20:42:01 GMT+02:00
To: clement@gmail.com

Quelle merveilleuse nouvelle. La Vie est un miracle.
Mes neuf boîtes de médicaments (renouvelables deux fois) et moi en sommes très heureuses. Oui, c'est très Sicko. Je savais pas que ça coûtait aussi cher, d'être migraineuse. Au moins je n'aurais plus à revivre de Journée en enfer.

Dans le train, après que le contrôleur m'a pardonné l'oubli de ma carte 12-25, la fille assise à côté de moi m'a demandé si par hasard on ne faisait pas partie de la même promo de mon (et son) lycée. Et si. Je ne me souvenais pas l'avoir vue, mais elle avait la Mémoire dans la peau.

J'ai mal partout, mais Je vais bien, ne t'en fais pas.
Baisers Volés,
A.






[1] Tout est dukkha – Tout est souffrance (1ère des Quatre Nobles Vérités)